TICKETS-RESTAURANT, RACHAT DES JOURS DE REPOS, ET EPARGNE SALARIALE, QU’EST-CE QUI CHANGE ?
Durant l’été l’actualité sociale a été particulièrement agitée sur le terrain législatif avec l’adoption de la Loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, mais aussi la Loi de finances rectificative pour 2022.
Dernier épidode de la série consacrée aux mesures sociales adoptées durant l’été, Florian Carriere et Steven Theallier, associés du cabinet Voxius Avocats, font le point sur les nouveautés en matière de tickets-restaurant, de rachat des jours de repos et concernant l’épargne salariale.
1. Tickets-restaurant
Le ticket-restaurant devient un véritable outil pour soulager les ménages de l’augmentation des prix à la consommation. A l’instar de ce qui avait été fait pendant la crise sanitaire (le plafond d‘utilisation du ticket-restaurant avait été doublé), le gouvernement a décidé de s’en emparer à nouveau en modifiant à la fois régime social applicable et les conditions d’utilisation.
- Régime social plus favorable
On rappelle que le ticket-restaurant est financé à la fois par le salarié et l’employeur. Jusqu’ici, la participation patronale était totalement exonérée de charges sociales et fiscales dès lors qu’elle était comprise entre 50 et 60% de la valeur du titre et qu’elle n’excédait pas un certain montant (fixé en dernier lieu à 5.69 € par titre).
Ce montant a été majoré de 4 % par la loi de finances rectificative. Désormais, la participation patronale pourra donc aller jusqu’à 5,92 € sachant que la mesure est applicable pour les tickets émis entre le 1er septembre 2022 et le 31 décembre 2024.
- Elargissement de la liste de produits éligibles
Les tickets-restaurant pourront être utilisés pour l’achat de tout produit alimentaire, directement consommable ou non (ex : farine, pâtes, riz, œufs, poisson, viande…) et ce jusqu’au 31 décembre 2023.
- Augmentation du plafond ?
Selon les déclarations du Ministre de l’économie, le plafond d’utilisation des tickets-restaurant actuellement de 19 € devrait être relevé à 25 €, et ce à compter du 1eroctobre 2022. Le décret mettant en place cette mesure n’est pas encore paru à la date de rédaction de l’article.
2. Rachat des jours de repos
Auparavant, le salarié pouvait uniquement se faire racheter les jours de repos octroyés en contrepartie de sa convention de forfait (salariés au forfait en jours) ou placer ses jours de repos sur son CET.
En application de la loi de finance rectificative un salarié peut maintenant demander à son employeur de renoncer à tout ou partie de ses jours de repos au titre de la période allant du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2025.
Le dispositif ne concerne que les jours de repos attribués dans le cadre d’un aménagement du temps de travail (ex : accord d’annualisation) et les RTT acquis en application d’un accord de réduction du temps de travail.
Par ailleurs, la possibilité de monétisation des jours de repos ne peut que se faire qu’avec l’accord de l’employeur qui peut donc refuser pour des questions budgétaires ou tout simplement pour inciter ses salariés à prendre leurs jours de repos.
Concernant le montant du rachat, l’employeur devra appliquer le taux de majoration en vigueur dans l’entreprise pour la première heure supplémentaire (soit en principe un taux de 25% mais un accord collectif peut fixer un taux différent dans la limite de 10%).
A noter aussi que les heures auxquelles le salarié renonce bénéficient de la réduction de cotisations salariales et de la déduction forfaitaire de cotisations patronales sur les heures supplémentaires applicable aux entreprises employant moins de 20 salariés. De son côté, le salarié est exonéré d’impôt sur le revenu sur ces heures là.
Les heures rachetées ne s’imputent pas non plus sur le contingent annuel d’autres supplémentaires.
3. Epargne salariale
Les nouveautés concernent ici la mise en place de l’intéressement et les conditions de déblocage anticipée.
- Mise en place de l’intéressement facilité
La loi pouvoir d’achat simplifie les conditions de mise en place de l’intéressement dans les entreprises de moins de 50 salariés
Même si elles ne sont pas couvertes par un accord de branche, les entreprises pourront mettre en place un dispositif d’intéressement par voie de décision unilatérale.
Alors il y a quand même 2 restrictions :
- l’entreprise ne doit pas avoir de délégué syndical et de CSE ;
- ou si c’est le cas, elle doit pouvoir justifier avoir ouvert une négociation ayant abouti à un procès-verbal de désaccord (logique : ne pas « by-passer » les interlocuteurs avec lesquels l’entreprise pourrait négocier la mise en place de l’intéressement)
Il est important de préciser que seules les sociétés à jour de leurs obligations en matière de représentation du personnel peuvent mettre en place un dispositif d’intéressement par décision unilatérale.
Il y a d’autres changements qui concernent toutes les entreprises :
- la durée maximale des accords d’intéressement est portée de 3 à 5 ans et le renouvellement tacite de l’accord d’intéressement peut désormais intervenir plusieurs fois contrairement à ce qui se faisait auparavant.
- Une aide est également apportée concernant la rédaction des accords d’intéressement puisque dès le 1er janvier 2023, il sera possible pour les employeurs d’avoir accès à des modèles type d’accords via le site internet Mon-interessement.urssaf.fr, et les exonérations fiscales et sociales seront réputées acquises pour ces accords dès le dépôt auprès de l’Administration.
- Les contrôles sont d’ailleurs simplifiés y compris pour les accords qui ne seraient pas établis via ces modèles : le contrôle de forme de l’administration sera supprimé à compter du 1er janvier 2023. Les accords resteront soumis au contrôle de fond de l’Urssaf dans un délai maximal de 3 mois après le dépôt de l’accord.
La loi précise enfin que lorsque l’accord d’intéressement prévoit la répartition des sommes en tout ou partie en fonction du temps de présence, le congé de paternité et d’accueil du jeune enfant doit être assimilé à du temps de présence (c’était déjà le cas pour le congé maternité).
- Déblocage anticipé de l’épargne
Les salariés vont avoir la possibilité de débloquer les droits issus de la participation ou de l’intéressement qui ont été affectés à un plan d’épargne salariale et bénéficier de manière anticipée de l’exonération fiscale attachée.
Les conditions sont très restrictives :
- la demande doit être formulée au plus tard le 31 décembre 2022 sur les fonds placés un plan d’épargne avant le 1er janvier 2022 (les sommes placées en 2022 ne sont pas concernées) ;
- la demande ne peut être faite qu’une seule fois dans la limite d’un plafond de 10.000 € nets de prélèvement sociaux ;
- Ce déblocage anticipé doit avoir pour finalité l’achat d’un ou plusieurs biens ou la fourniture d’une ou de plusieurs prestations de service.
Seules les sommes issues de la participation et de l’intéressement (les droits issus du PERCO sont exclus par exemple).
Les employeurs devront informer les salariés de possibilité dérogatoire de déblocage anticipé dans un délai de 2 mois à compter de la promulgation de la loi, soit jusqu’au 16 octobre 2022 au plus tard.